Du caniveau...à la fontaine!

De légère étincelles scintillèrent, comme c'est souvent le cas lorsqu'un élève est appellé par l'eau. Puis un jeune homme apparu dans la fontaine: il était allongé, et semblait inconsciant. Ses vêtements étaient rapiécés, un blouson de cuir noir lui couvrait le dos, et un carré de tissu vert ses longs cheveux mauves.
La première impression que l'on se fait en voyant ce garçon tient en un mot: sale. Ses fringues sont sales, sa peau crasseuse et égratignée, ses cheveu ont l'air gras, et un mince filet de sang coulait de sa lèvre inférieur pour se méler à l'eau de la fontaine qui commence à détremper ses vêtements...

C'est dans ce triste état que quiconque passe par le vestibule trouvera Trent...

... Et il se trouve que cette personne fut la directrice de l'école, en personne.

Marylin sursauta lorsque le corps fit son apparition. Elle était, comme souvent, dans sa bulle et ses méditations sur les dossiers de l'école toujours à faire, jamais finis, s'empilant par milliers, lui semblait-il. Elle se tourna et regarda le nouvel élève. Devait-il y avoir une nouvelle arrivée? Elle ne s'en souvenait pas; il faut dire que ces derniers temps, elle était totalement démotivée.
Avec un petit sourire, elle s'approcha du... jeune homme, apparemment et constata à quel point son apparence n'était pas enviable. Marylin avait toujours porté un grand soin à son image: port de tête digne, des habits toujours impeccables; aujourd'hui, elle portait une robe de soie mauve, recouverte d'un voile transparent orangé. Ses cheveux soyeux étaient lâchés, s'étalant en boucles brunes sur ses épaules.
Avec une légère répulsion, elle parla au nouveau venu.

"Bonjour, je suppose que vous êtes nouveau? Puis-je vous aider?"

Marylin attendu un instant: pas de réponse.

Puis un geignement se fit entendre, et la tête du garçon se releva, lentement. C'était probablement plus l'humidité, et le froid de la fontaine qui l'avaient réveillé, plutôt que l'appel de la directrice. Il posa ses mains écorchées au sol et poussa difficilement afin de se relever.
Désormais assis au millieu de la fontaine, recouvrant à peine ses esprit, Trent se rendit compte que son jean était maintenant totalement détrempé et se mit à crier en sortant de la fontaine: " 'Tain s'quoi c'bordel! Les cons! M'ont balancé à la flotte..."

Trent se rendit bientôt compte d'une présence qui l'observait: une femme à la peau mat, bien fringuée, trop bien fringuée...En moins d'une seconde, il se fit une idée sur cette dernière: Une sale putain d'bourg', mais qui semblait néanmoins avoir des formes apréciables... La dévisagueant, puis, lui jettant un regard méprisant, comme seul un clochard sait en lancer à un patron qui lui donne cinq cent comme aumône. Trent retira alors son blouson, puis son T-shirt, et commença à essorer ce dernier. Torse nue il était bien moin impressionnant qu'habillé: il était assez maigre, et sa peau était d'une paleur cadavérique, exepté quelques endroits de ses bras, quelques points violacés...Voyant la "dame" continuer à l'observer, il lui lança un "kes tu veux?" dédaigneux, qui signifie plus "dégage" qu'autre chose.

Un autre péquenaud approche: c'est l'débarquement ou quoi?
Il les salut, Trent l'ignore, jusqu'à ce qu'un magnifique loup blanc s'approche de lui. L'espace d'un instant, il revit les photos des grandes plaines prises par son père, et les animaux qui y habitaient. Les animaux était simples, presque beaux, lorsqu'il déchiquetaient la gorge de leur proie de leur crocs furieux: il n'y avait pas de mensonge, pas de duperie: mangé où être mangé, cela était d'une terrifiante beauté...

L'espace d'un instant, un court instant, moins d'une seconde, cette pensée traversa l'esprit embrummé de Trent, puis le naturel -l'innaturel- revint, avec un désir sale de frapper la bête d'un grand coup de pied au museau, désir refreinné aussitôt que Trent vit les crocs puissant de l'animal: mangé ou être mangé... L'instinct de survie l'emporta, Trent resta immobile; puis le loup retourna voir son maître, mais la colère du jeune homme resta. Suivant le loup des yeux, Trent regarda son maître pour la première fois: un jeune homme frêle qui ne pourrait supporter un de ses coups...Il le regarda sans aucune sympathie, contenant mal une pointe d'animosité, serrant les dents, se demandant comment un freluquet pareil avait pu gagner la confiance d'un tel animal.


Puis l'autre femme lui adressa encore la parole, Trent remit son T-shirt noir, humide mais ne dégoulinant plus, sur lequel on pourrait lire en lettres rouges "WE ARE ALL DEAD FOR EACH OTHER", et une fois qu'elle eu fini son speech qu'il n'avait qu'à moitier écouté, il se dit qu'il avait trouvé quelqu'un sur qui passer ses nerfs: sans crier, mais avec une hargne à peine contenue, il se lacha sur cette Abu al-Hadj:
"Ecoute pauvre directrice de mes deux, tu sais où tu peux te l'foutre ton accueil? J'ai rien à carrer d'ton foutu apprentissage, je m'démerde trés bien comme ça et c'est pas pour ça que j'suis là!"

Puis il lui tourna le dos et, remettant son blouson, ses derniers mots résonnèrent dans sa tête: mais où était-il? Ca ne ressenblait à aucun coin d'Atlanta! De dépit, il sorti un paquet de clope abimé, mais heureusement peu moullié, de sa poche et placa l'une de ses dernières cigarette entre ses lèvres. Puis il fouilla un instant dans ses poches avant d'en sortir un zippo qu'il ouvrit et alluma d'un aller-retour contre son pantalon. Il tira une barre, et recracha une grosse bouffé de fumé qui s'évanouie peu à peu dans les airs. Puis Trent avança pour partir d'ici...

Trent tirait une latte sur sa clope, et...sa gorge se serra. Sans s'en rendre compte il lacha sa cigarette qui vint s'éteindre sur une flaque au sol. Instincivement il porta ses mains à sa gorge: il sentait quelque chose qui serrait, mais ne pouvait l'attrapper, il tomba bientôt à genou, et soudain la préssion disparue, aussi abruptement qu'elle était apparue, laissant cependant une vive douleur: Trent s'effondra sur le sol pavé, vide de toute pensées durant un instant.
On avait déjà tenté de l'étrangler, mais ce coup-ci il n'avait rien vu venir...Quelque chose n'était pas normal. Toujours vautré sur le sol, Trent, dans le souffle rauque de celui qui a la carotide écrasée s'adressa à la directrice: "J'aime bien ta façon d'aider les nouveaux..."

Puis il lui afficha un sourire malsain, le sourire du dément, tout en tordant son visage sous l'effet de la douleur que lui demandait son effort. Puis à l'intention de la directrice, il cracha un molard teinté du sang de sa gorge bléssée, qui ne partie pas à plus de cinq centimètre. Il avait bien envie de dire qu'il mettrais bien autre chose que son accueil au cul de la directrice, mais une phrase qu'il avait appris au centre de désintox' lui revient en tête: *Analyse les conséquenses... Analyse les conséquenses... Analyse les...Ta gueule!* Cria mentalement Trent à cette pensée qui s'éveillait.

Difficilement, il s'assit au sol, dos au bord de la fontaine. Il ramassa son mégot éteind, arracha du bout des doigts l'extremité mouillé et ralluma ce qui restait de sa cigarette. Une violente quinte de toux le pris, il cracha du sang à deux reprise. Il tira de nouveau sur sa clope, et toussa encore. A la troisième latte, sa gorge endolorie s'était habituée à la nicotine, et le seul bruit qui se fit entendre fut son souffle rauque lorsqu'il recracha la fumée. Il resta assi là, pour "laisser pisser" comme on dit...

Un silence pesant s'installa. Trent était toujours assit au sol, dos à la fontaine, regardant un vague point dans le vide, entre la directrice et le loup: il imagina un instant le pelage immaculé de l'animal se maculer du sang de la femme, déchirant les chairs et broyant les os...

Un silence pesant régnait. Mais qu'est ce que Trent aurait pu lui dire? Qu'il était désolé et qu'il regrettait? N'importe quoi! Mais de toute évidence cette connasse avait raison, selon ses critères. Mais le simple fait qu'elle se soit présenté d'abord par son titre, puis par son nom, sans même donner son prénom l'avait écœuré. Elle se sentait donc si supérieure? A cette instant, Trent avait une certitude: il ne savait pas encore comment, mais il la latterait, jusqu'à ce qu'elle en chiale...

Trent écrasa au sol le mégot qu'il venait de finir et, machinalement, sortit son paquet de cigarette et regarda dedans...Plus que de clope, se dit-il lorsqu'il alluma celle qu'il venait de sortir. Dans un difficile effort qui lui rappela sa blessure au coup, Trent se releva, prenant appui sur le bord de la fontaine. Que pouvait-il dire à cette directrice, qui était armée de telle certitudes? Rien, elle ne comprendrait jamais ce qu'il pourrait lui raconter: seul ceux qui vivent dans la rue peuvent comprendre ceux qui vivent dans la rue... Les autres sont...soit dégouté ou apeuré, il vous rejette ou vous noient d'une pitié qui pue encore plus que les produit nettoyant des chiottes publiques. Rien.

Tirant une bouffé sur sa clope, Trent la dépassa, sans même la regarder, bien décidé à ne pas moisir dans ce coin pourri...